samedi 30 mai 2009

Marche de protestation de l’Union fait la Nation:Une déferlante humaine dans la rue

Écrit par Le Matinal du 29/05/2009 Le chef de l’Etat Yayi Boni déjà surchargé par les dossiers des travailleurs a encore essuyé hier des sueurs froides à cause de la marche des mécontents du régime qui a eu un écho favorable au sein de l’opinion publique. Ainsi... C’est un signal fort au régime en place, estime t-on. A travers cette gigantesque marche de protestation organisée par les forces de l’alliance l’Union fait la Nation pour dénoncer l’attitude du gouvernement dans sa gestion de la crise dans le secteur de la santé, le moral du président de la République a reçu un choc. Les riverains des artères de l’axe routier Cotonou-Porto-Novo ont vécu plusieurs heures de bouillonnement mêlées de tension palpable ce jeudi 28 mai 2009. C’est une véritable déferlante humaine qui s’est déversée dans ces rues. Des jeunes aux personnes âgées en passant par les enfants, toutes les couches de la population ont participé à ce gigantesque mouvement , conduit en personne par Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou, Lazare Sèhouéto, Léhadi Soglo, Idji Kolawolé et Séfou Fagbohoun qui se tenaient la main comme un seul homme. Mobilisée dans le cadre de la marche organisée par ces derniers, membres de l’Union fait la Nation, cette foule compacte a fait régner une ambiance qui frisait l’insurrection sur l’itinéraire menant de la place Lenine au ministère de la Santé, point de chute de la marche. Dans un mouvement d’ensemble et surtout l’air déterminé, l’impressionnante marrée humaine, estimée à plusieurs milliers de personnes scandait des slogans hostiles au gouvernement et à sa politique dans le secteur de la santé. « Les grèves tuent et Yayi Boni se tait », « gouvernement ventilateur, trop c’est trop ». Ce sont entre autres les slogans des manifestants apparus sur les nombreuses banderoles qu’ils tenaient. De mémoire de beaucoup de Béninois, c’est la première fois dans l’histoire du renouveau démocratique que le pays a connu une telle manifestation. A mesure que les marcheurs se rapprochaient de leur point de chute, les visages se crispaient, les pas devenaient pressants et on sentait la tension monter. Devenant de plus en plus serrée grâce aux nombreux ralliements tout le long de l’itinéraire, la foule pouvait à peine tenir dans la rue du ministère de la Santé pour entendre ses leaders délivrer leur motion. Quelques hésitations des forces de l’ordre à l’arrivée de ces leaders, vite interprétées comme un refus de leur laisser l’accès du ministère, a failli faire dégénérer la manifestation. Les vifs échanges entre Houngbédji, Amoussou, Sèhouéto et la vingtaine d’ agents de la Crs protégeant l’entrée du ministère, ont excité la foule qui a fini par forcer les entrées du ministère à « leurs leaders ». Les minutes qui ont précédé la lecture de la motion ont été également agitées. Le ministre Issifou Takpara refuse de se rapprocher des manifestants pour écouter la lecture de leur motion, provoquant la colère du secrétaire général du Prd Moukaram Badarou et de l’honorable Fikara. Aussitôt la motion lue, la tension retomba. Houngbédji et Léhadi s’ébranlaient vers le siège du Madep sur fond de bain de foule des manifestants. De toute évidence, cet évènement est bien plus qu’une simple marche. Calixte Adiyéton Tous étaient là Comme prévu, ils étaient tous au rendez-vous, portés par leurs militants. Adrien Houngbédji, Léhadi Soglo, Bruno Amoussou, Lazare Sèhouéto, Séfou Fagbohoun, Issa Salifou Saley, Idji Kolawolé. La mobilisation était totale et exprime à quel point ils sont tous tenus à ce que la situation change dans les hôpitaux. Même si d’autres auraient voulu que l’ancien président de la République Nicéphore Soglo soit de la partie, ils n’étaient pas déçus au regard de ce qu’ils ont vu hier dans les rues. En dehors de la présence de ces leaders et chefs de file, plusieurs députés, anciens comme nouveaux ont également répondu présents. Arifari Bako, Eric Houndété, Sacca Fikara, Clément Houinou, Raphaël Akotègnon, Valery Mongbey, le maire de la ville de Porto Novo, Moukaram Océni, le secrétaire général du Parti du renouveau démocratique, Moukaram Badarou. Andoche Amégnissè, opposant déclaré N°1 du chef de l’Etat complète cette longue liste d’acteurs de la vie politique. A travers la présence de ces différents personnalités et vu la marrée humaine qu’elles ont drainée, la nouvelle alliance « l’Union fait la Nation » vient de s’annoncer comme une véritable machine en puissance pour opérer l’alternance en 2011.

vendredi 22 mai 2009

Quelques photos de la cérémonie de lancement à Cotonou






































Contribution de Rigobert Oladiran LADIKPO

L’évènement qui nous rassemble ici aujourd’hui, c’est à mon avis un évènement littéraire, c’est le lancement du livre de Bruno Amoussou, « L’Afrique est mon combat ».

J’ai rencontré Bruno Amoussou pour la première fois début Septembre 1959. Et c’était à l’aéroport d’Orly. J’arrivais de Cotonou et ne connaissais pas la France. Le Cardinal Bernardin Gantin, alors évêque auxiliaire de Cotonou, qui tenait à assurer que mes toutes premières heures de séjour en France seraient aussi agréables que possible, et qui m’avait accompagné à l’aéroport de Cotonou et était resté à mes côtés jusqu’à notre embarquement, s’était arrangé pour me faire accueillir à Paris-Orly par un certain Bruno Amoussou, et pour me faire prendre mon premier déjeuner en France chez les Morel, une famille bourgeoise française du 16 e Arrondissement de Paris.

Bruno fut le témoin de mes premiers déboires en France. Entre Orly et Paris16 e, les quartiers défilaient et avaient tous un commun dénominateur : les murs des bâtiments et des immeubles étaient tous noirs. Pour moi, pas le moindre doute, on était toujours en train de traverser la banlieue industrielle et ouvrière de Paris, noircie par les fumées des cheminées des usines, et cette conviction, je n’ai pu m’empêcher de l’exprimer tout haut. C’est alors que Bruno m’apprit qu’on était déjà en plein cœur du 16 e, le plus chic des quartiers de Paris. Grande fut ma déception. Le Paris dont j’avais rêvé, une ville toute blanche et toute belle, ce Paris-là n’existait pas. Du coup, j’ai commencé à avoir des doutes sur la qualité et la pertinence de tout ce qu’on m’avait fait apprendre au Dahomey. A l’époque, Bruno ne m’avait pas confessé que lors de son premier contact avec Paris, il avait été terriblement déçu, lui aussi. Je n’ai découvert le choc qu’il avait alors ressenti, qu’en lisant son livre d’aujourd’hui.



Je n’ai repris confiance en moi que lorsque Malraux, outré par ce que Paris était devenu, a décidé de lui faire retrouver sa beauté originelle en lançant sa fameuse opération de ravalement, qui a démarré à Notre Dame de Paris dans un concert de protestations des Parisiens habitués à leur ville crasseuse, et qui n’a pu se poursuivre et s’imposer, que parce que Malraux était un grand homme, un monument du monde littéraire, et qu’il avait le soutien du Chef de l’Etat, un autre grand homme, le Général De Gaule.

Ma deuxième déconvenue, je l’ai connue chez les Morel. Avant le déjeuner, Madame Morel, en fin connaisseur des règles de l’hospitalité telle qu’on la conçoit et la pratique chez nous en Afrique, m’avait proposé d’aller prendre un bain. Pour moi, qui avait passé une nuit sans sommeil dans un avion, cette proposition était plus que la bienvenue. Et à la question de savoir s’il me fallait de l’eau chaude ou non, j’avais, sans hésitation, exprimé ma préférence pour l’eau froide, n’ayant jamais eu à me laver à l’eau chaude dans mon Dahomey natal, sauf lorsque je n’étais qu’un bébé, et ne me doutant pas que l’eau non chaude à Paris puisse être une eau pratiquement glacée. Je me déshabillai donc, et sans précaution aucune, je me glissai dans la baignoire préalablement remplie d’eau non chaude. En deux temps trois mouvements, j’étais hors de la baignoire. On apprit ma mésaventure. On vida la baignoire et on me montra le maniement des robinets. Je pus finalement prendre une douche bien tiède, et rejoignis mes hôtes et Bruno pour le repas. La journée se termina à la cité universitaire de Paris, Boulevard Jourdan.

Entre cette journée de Septembre 1959 et Juin 1975, mois de mon départ pour un exil de quinze ans au Nigéria, Bruno et moi nous avons, le plus souvent, nourri les mêmes projets et partagé les mêmes expériences, et c’est peut-être ce qui me vaut le privilège d’avoir été sollicité pour co-parrainer le lancement de ce livre. Ma présence ici, c’est donc celle d’un contemporain impliqué dans certains des épisodes évoqués dans ce livre, ou ayant vécu au cours des premières années de sa vie, dans un univers pas bien différent de celui du héros de la saga qui nous y est contée.

Première parmi ces expériences, a été celle que nous avons vécue ensemble au sein du Groupe de la FOM. A plusieurs reprises dans son livre, Bruno Amoussou s’est présenté comme membre d’un groupe politique, dénommé tantôt « Groupe de la FOM », tantôt « Notre Groupe ». Un tel Groupe a effectivement existé. Mais il n’a jamais eu une existence formelle ou légale.
Il ne possédait ni Statuts, ni Règlement Intérieur, ni formulaire d’adhésion, ni cotisations annuelles, ni Bureau Exécutif élu. Et pourtant, il fonctionnait. C’est la proximité géographique qui a permis sa naissance. Ses membres fondateurs résidaient tous à la Cité Universitaire, boulevard Jourdan, dans le 14 e Arrondissement de Paris. Et une majorité d’entre eux logeait à la maison de la France d’Outre-mer (FOM), d’où le nom donné au groupe. A force d’interactions les uns avec le autres, ils sont devenus des amis, se sont mis à échanger des points de vue sur l’actualité politique ainsi que sur les essais et ouvrages politiques qu’ils avaient lus. Ils en sont venus à fonctionner comme un cercle de réflexion et d’action politique qui s’est élargi peu à peu par cooptation de nouveaux membres. Idéologiquement, les membres du Groupe se sentaient et se proclamaient de Gauche, une Gauche ayant pour vocation et pour ambition d’être « la voix des multitudes sans droits et sans voix » comme j’ai eu à la qualifier, dans un écrit, il y a de cela 18 ans. Une Gauche non dogmatique, les dogmes de l’Eglise Catholique étant jugés plus que largement suffisants pour certains d’entre nous.

C’est à travers les mouvements de masse que le Groupe a mené ses actions :

- ce fut d’abord au sein de l’Association des Etudiants Dahoméens en France (A.E.D.), dont le Bureau Exécutif de sept (07) membres comprenait, au titre de l’année académique 1961-1962, quatre (04) membres du Groupe de la FOM avec Bruno Amoussou au poste de Président, Rigobert Ladikpo, votre serviteur, à celui de Vice-Président, Florentin Mito-Baba comme Secrétaire Général, et Georges Gandonou comme Trésorier Général ;

- ce fut ensuite au sein du mouvement syndical dahoméen entre 1965 et 1975. Le rôle capital de Florentin Mito-Baba à la tête des syndicats autonomes regroupés au sein du Comité Syndical de Coordination (C.S.C.) a été maintes fois mis en exergue sous la plume de Bruno ;

- ce fut aussi au sein des mouvements de jeunes du Comité Inter-Jeunesse (C.I.J.). Bruno n’a pas occulté ce qu’a été son action au sein de l’Organisation des jeunes de la Sous-préfecture d’Aplahoué et au sein du RAJEMO. Il faudrait signaler cependant que d’autres membres du Groupe ont travaillé la main dans la main avec lui au Mono, et que les autres camarades du Groupe ont été des militants actifs de FILOGNON d’Abomey, de SONAGNON de Porto-Novo et Banlieue (A.J.P.B.), d’ODOKOYA de Savè, etc. ;
- ce fut enfin au sein du Front Uni Démocratique des Travailleurs et des Jeunes (F.U.D.), dont Florentin Mito-Baba fut le Président. Mais la vie et l’histoire de ce Front ne relèvent pas de la période couverte par l’ouvrage de Bruno.

La deuxième expérience commune à Bruno et à moi, a été celle de la SONADER, une aventure passionnante. C’est Bruno qui a bien voulu m’y associer, comme il l’a dit dans son livre. J’étais enseignant à Genève depuis 6 ans lorsqu’il m’a fait appel. J’ai accepté son offre, et du jour au lendemain, j’ai troqué ma vie plutôt peinarde de Genève contre celle mouvementée des chantiers du Grand-Agonvy, avec résidence à Ikpinlè, localité qui se réduisait pratiquement alors à son seul marché. Que ce soit au Grand-Agonvy, au Grand-Hinvi, ou à Houin-Agamè, on défrichait, on dessouchait, on plantait, ou on entretenait la palmeraie, une palmeraie sélectionnée. Tout le monde travaillait dur, et on avait tous à cœur de respecter le planning convenu avec les bailleurs de fonds, qu’il s’agisse du FED ou du FAC. Tous les objectifs ont toujours été atteints, et année après année, de nouveaux milliers d’hectares de palmiers sélectionnés venaient s’ajouter aux anciens. Certes les lois qui ont créé et qui régissaient les Coopératives d’Aménagement Rural ont suscité de grandes polémiques au sein des mouvements de jeunes au cours des années 60-70. Mais ces empoignades verbales n’ont eu un réel impact que dans les Coopératives de la banlieue de Porto-Novo. Tous les autres chantiers ont évolué de façon plus que satisfaisante jusqu’en 1972, et même au-delà, jusqu’en 1975. Les tonnages de régimes de palme récoltés et les rendements à l’hectare ont connu une courbe ascendante régulière. Trois huileries de palme ont été mises en service, de même que l’usine d’égrenage de coton de Hagoumé, dont il a été longuement question dans l’ouvrage d’Amoussou. On a appris aux coopérateurs à exploiter de façon intensive les parcelles de terre mises à leur disposition dans les zones de cultures annuelles. On a eu recours à l’expertise de femmes savaloises pour apprendre à leurs femmes la fabrication du gari « sohoui » dont la commercialisation était confiée aux supermarchés de Cotonou et de Porto-Novo. On a entrepris l’alphabétisation en langues nationales de nos coopérateurs et de leurs épouses et la publication d’un premier périodique en langue yoruba dénommé « ALAJUMOSE », c’est-à-dire « Le Coopérateur ». On a lancé un vaste programme d’élevage de bovins sous palmeraie et de croisement de nos vaches lagunaires avec des Ndama guinéens, espèce résistante à la mouche tsé tsé, avec l’espoir d’utiliser leurs hybrides en culture attelée. Et ce « success’ story » a été l’œuvre de travailleurs et de cadres dahoméens hyper motivés, et de leurs dirigeants successifs, dont en particulier Bruno Amoussou.
Les problèmes qui conduiront à l’échec de ces Coopératives et à la quasi-disparition de la filière palmier à huile au Bénin d’aujourd’hui relèvent d’une période non couverte par le livre de Bruno.

Dans son livre Bruno Amoussou nous fournit d’intéressants éléments de comparaison entre le Togo et le Dahomey des années 40 et 50, deux territoires sous domination impériale française.

D’un côté, le Dahomey, colonie française où sévissaient les travaux forcés et la conscription, deux fléaux qui frappaient durement les populations. Pour échapper à la conscription, beaucoup de jeunes gens avaient recours à la protection des forces occultes, ou n’hésitaient pas à s’enfuir du pays. C’est ainsi que de nombreux ressortissants de Kétou ont trouvé refuge au Nigéria, auprès de leurs frères Kétou, dans l’actuel Yewaland, anciennement Egbado, et que de nombreux Shabè ont traversé l’Okpara et ont rejoint au Nigéria leurs frères Shabè de Oyo State. Ce type de mouvement migratoire a pu être observé dans toutes les régions du Dahomey, frontalières du Nigéria. Au Dahomey comme dans toutes les autres colonies françaises, le système de conscription a permis l’enrôlement dans l’armée d’individus de toutes les parties du pays en plus des volontaires qui eux, étaient majoritairement issus des régions les plus déshéritées.

Le Togo, par contre, était une ancienne colonie allemande et un territoire sous mandat de tutelle des Nations Unies. La lutte héroïque menée par le peuple togolais sous le leadership de Sylvanus Olympio, une lutte décrite de façon si vivante par Bruno Amoussou, n’a pas permis à la France d’étendre au Togo son système colonial dans ce qu’il avait de plus caricatural. Elle n’a pas pu, par exemple, imposer la conscription aux Togolais, et le camp militaire français, implanté au cœur de Lomé, avait comme dénomination « Deuxième Bataillon Autonome du Dahomey ». Les seuls Togolais engagés dans l’Armée Française, étaient tous des volontaires, originaires du Nord moins développé. Pour eux c’était l’Armée Française qui pouvait leur offrir leurs seules possibilités d’ascension sociale. Mais pour Olympio et les siens, ils n’étaient que des mercenaires, et jusqu’à sa mort, Olympio refusa de créer une Armée Togolaise à partir de ces éléments là démobilisés de l’Armée française et mis à la disposition du Togo. Ce sont ces demi-soldes qui ont assassiné Olympio en 1963 et ont constitué, depuis cette date, l’Armée Togolaise, une Armée demeurée pendant longtemps largement homogène, ethniquement parlant. L’évolution politique du Togo depuis lors est largement tributaire de cette caractéristique particulière de son Armée.
Bruno a fait allusion quelques fois dans ce livre au rôle et à l’importance des tracts dans le Dahomey d’après l’indépendance. Il faut dire que sous les régimes militaires qui ont alterné avec les régimes civils à parti unique, la liberté de presse n’existait pas et ne pouvait exister. Mais comme le besoin de s’informer était le plus fort, il s’est développé dans le pays une véritable industrie des tracts, des tracts qui ont diffusé des informations la plupart du temps recueillis à de très bonnes sources. Etaient aussi recueillis à de très bonnes sources les éléments d’analyses qui meublaient les communiqués, - eux dûment signés – publiés par les syndicats autonomes regroupés au sein du Comité Inter Syndical (C.S.C) et par les mouvements de jeunes. Bruno a maintes fois évoqué dans ce livre le rôle qui a été le sien dans ce domaine. Du fait de ses fonctions de Directeur Général de la SONADER et de Président du Conseil d’Administration de la Société Dahoméenne de Banque (SDB), il était en contact quasi permanent avec les principaux responsables politiques et administratifs du pays, et était au courant de pratiquement tout ce qui se tramait et se décidait. Et puis il a eu cette drôle de chance de toujours se retrouver au bon endroit et au bon moment, d’être pratiquement toujours au cœur de l’évènement, d’avoir le privilège d’assister en direct à des évènements majeurs, même les plus inattendus. Tout naturellement, notre Groupe et les Organisations de masse au sein desquelles nous militions, bénéficiaient, grâce à lui, d’informations privilégiées qui leur permettaient de frapper juste et fort.

Jusqu’ici, je ne me suis intéressé qu’au contenu du livre, tantôt pour en repréciser ou en restituer le contexte, tantôt pour faire connaître les réflexions qu’il m’inspire. Or vous savez que dès le début de mon intervention, j’ai tenu à souligner que l’évènement qui nous rassemblait, c’était un évènement littéraire. Qu’est-ce qui fait d’un livre une œuvre littéraire ? C’est moins le contenu, même si ce contenu peut être d’un grand intérêt comme c’est le cas avec le livre de Bruno, qui est une mine d’informations sur la vie quotidienne des Africains sous la botte coloniale française, et sur les intrigues et les mœurs politiques byzantines dans le Dahomey de 1960 à 1972, un Dahomey où l’on découvre l’impérialisme français dans toutes ses œuvres, et ses basses œuvres en particulier. Ce qui confère à un livre un statut d’œuvre littéraire, c’est la qualité du style, c’est l’esthétique du langage. Ce qui fait le charme et l’attrait particulier de notre livre d’aujourd’hui, nous le devons à cet incomparable don de conteur qui fait que dans la vie de tous les jours, on s’ennuie rarement en compagnie de Bruno, et dont il a su faire une brillante démonstration en écrivant de « L’Afrique est mon combat ». Ici, Bruno a su faire alterner description, récit, anecdotes, et traits d’humour.
Des scènes comme celle de la fuite rocambolesque des gardes du corps du Président Zinsou méritent une citation :

« Au moment où la voiture présidentielle franchissait la grille du Palais, une Land Rover se mit en travers de l’allée. Des mitraillettes crépitèrent. Les gardes du corps, terrorisés, s’enfuirent à toutes jambes et le mur de clôture n’interrompit que la course des motos. Habitués aux sauts d’obstacles, leurs conducteurs préférèrent se mettre à l’abri. Les assaillants se saisirent du Président Zinsou et l’emportèrent dans leur véhicule. Pendant qu’ils évoluaient vers le Nord, leur chef eut cependant la délicatesse de renvoyer à sa famille les lunettes de la victime qu’ils avaient récupérées durant l’assaut ».

Dans « L’Afrique est mon combat » nous avons à faire à un Bruno enjoué, qui a toujours des histoires drôles, amusantes ou insolites à raconter.

L’auteur sait réjouir les cœurs et égayer le lecteur. Il n’hésite pas à donner dans de l’autodérision, et à faire rire à ses propres dépens comme dans l’épisode de ce bizutage que je ne peux m’empêcher de vous faire apprécier :

« Après le repas, je me rendis au dortoir où j’étais le seul Africain parmi quatre-vingt-deux élèves. Mes affaires étaient rangées dans l’armoire, je ne voulus pas me déshabiller devant tous ces Blancs. Je m’assis sur le lit dans l’attente de l’extinction des lumières. Une fois que je fus déshabillé, mes camarades rallumèrent les lampes, s’emparèrent de moi et me promenèrent, tout nu, de dortoir en dortoir. A chaque étape, les élèves vérifiaient que j’étais effectivement noir partout, un peu moins à la paume de la main et à la plante des pieds. « Regardez son zizi ! » hurlaient certains élèves qui tenaient à le toucher ».

J’ajouterai pour finir que le français, dans ce livre, est de très bonne facture ; il n’y a ni fautes d’orthographe, ni fautes de grammaire ; les règles de la concordance des temps ont été bien respectées dans l’ensemble ; quelques mots d’argot des classes préparatoires aux grandes Ecoles françaises ont été utilisés, mais ils l’ont été à bon escient.

Ma seule réserve, mon seul regret, c’est le dernier chapitre du livre, une sorte d’épilogue, un chapitre à mon avis de trop, un chapitre où l’auteur semble indiquer au lecteur ce qu’il doit retenir.
A partir du moment où l’on a choisi de livrer au public ce que l’on a été, ce que l’on a vu, et ce que l’on a fait, on doit laisser au lecteur la liberté de se faire sa propre opinion.

En dépit de cette réserve, je n’hésiterai pas, en guise de mot de la fin, à dire à Bruno :

« Bravo Bruno. Tu as fait une entrée en fanfare dans le monde des lettres. Tu as enfin découvert ta vraie vocation, celle d’écrivain. Elle sera pour toi, Inch Allah !, la plus belle de toutes, celle qui t’ouvrira les portes de l’immortalité ».

Puis me tournant vers notre public et vers le lectorat béninois et africain, je lui annoncerai : « celui-ci est un grand cru », et je lui prescrirai : « à consommer sans modération ».

Merci de votre aimable attention.

vendredi 15 mai 2009

Interpellation du président de la République du Bénin

Menaces sur les libertés et l’unité nationale

(Article 71 et 113 de la Constitution du 11 décembre 1990)

Les députés signataires exposent que :

Le samedi 02 mai 2009 à Dassa, alors qu’un Mouvement de jeunes ainsi qu’un certain nombre de partis politiques et personnalités, dont l’ancien Ministre Soulé DANKORO du Parti Démocratique du Bénin (PDB) venaient de clôturer un meeting classique d’appel à la candidature de Monsieur Abdoulaye Bio TCHANE, les populations de la localité ont vu surgir un groupe de « marcheurs » à la tête duquel se trouvait un ministre de la République, M. Nicaise FAGNON.

Tous revêtus du même tee-shirt que le ministre et portant la même casquette que lui, des jeunes, arborant le sigle FCBE, se sont livrés à de violences provocations et à de dangereuses menaces à l’endroit des pacifiques participants au meeting.

Le but déclaré de leur irruption, selon les propres termes du Ministre Nicaise FAGNON, était d’interdire à quiconque de venir à Dassa susciter ou soutenir une candidature autre que celle du Chef de l’Etat. Dans un état d’excitation effrayante, le Ministre FAGNON a traité d’imposteurs et de provocateurs, les organisateurs du meeting.
Il a mis en garde toute personne qui ferait un autre choix politique que le sien et se hasarderait à venir l’exprimer à Dassa, voire dans le département des Collines. Affirmant donner « un dernier avertissement », il ne veut « plus jamais » entendre parler de pluralisme politique dans la région.

Ce comportement et ces propos, retransmis par les télévisions et les radios, ont indigné et scandalisé les paisibles populations béninoises. Elles y ont trouvé la confirmation de l’établissement progressif et insidieux dans notre pays d’un climat d’intolérance et l’expression d’une volonté d’utiliser la force et la violence pour imposer des choix et mettre fin aux libertés démocratiques.

Ce comportement et ces propos s’inscrivent malheureusement dans une longue liste d’actes de même nature perpétrés par le régime et qui mettent en danger nos acquis démocratiques. Ils ouvrent ainsi la voie à un retour aux plus sombres heures de notre histoire.

Au nombre de ces actes d’intolérance et de violation des libertés, on peut citer :

- La prise d’arrêtés préfectoraux d’interdiction de réunions publiques dans l’Atacora/Donga et l’Alibori/Borgou, alors que dans le même temps, les ténors du régime y organisent des rassemblements, intoxiquent et corrompent les populations ;

- L’imposition, dans plusieurs communes, au cours des dernières élections municipales, communales et locales, d’une liste unique FCBE, arrachant ainsi aux populations leur droit à choisir librement leurs dirigeants

- L’expulsion de leur bureau, à coups de bâton, de Maires élus parce qu'il leur est reproché de ne pas appartenir aux FCBE

- Le refus illégal d’installation des conseils communaux aussi longtemps que la formation politique du Chef de l’Etat, FCBE, n’y détiendrait pas la majorité, assorti de violence faite aux populations ;

- L’utilisation d’armes à feu et de matraques pour dispenser des coopérateurs réunis en assemblée générale à Adja-Ouèrè, occasionnant cinq morts.

Ces différents actes et les propos du ministre FAGNON constituent une réelle menace à l’unité nationale et une prime à l’ethnocentrisme, au régionalisme et à la haine tribale.

Les Préfets qui ont ordonné les tueries d’Adja-Ouèrè, les répressions sanglantes d’Avrankou et les interdictions de réunions aux formations politiques autres que les FCBE sont les représentants locaux du Gouvernement dont ils reçoivent et exécutent les instructions

Nicaise FAGNON est membre du Gouvernement

Dans ces conditions, la responsabilité du Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, garant de l’unité nationale, du respect de la Constitution et des libertés, est largement engagée.

C’est pourquoi,
Les députés soussignés, agissant conformément aux prérogatives à eux reconnues par les articles 71 et 113 de Constitution, et 113 du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale,

- requièrent l’interpellation du Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement et saisissent à cet effet le Bureau de l’Assemblée nationale en séance publique (Art.113-3 du Règlement Intérieur) ;

- requièrent que la présente demande soit examinée par le Bureau de l’Assemblée Nationale selon la procédure des questions d’urgence et inscrite à l’ordre du jour de la plénière (Art.113-4 du Règlement Intérieur).

Ont signé :

-Adrien Houngbédji
-Mme Rosine Vieyra Soglo
-Kolawolé A. Idji
-Bruno Amoussou
-Lazare Sèhouéto
-Judes B. Lodjou
-Sacca Fikara
-Ahouanvoèbla Augustin
-Akotègon Raphaël
-Gbèdiga Timothée
-Houndété Eric
-Dahissiho Joachim
-Kapko Kifouli
-Sanni Glèlè Ybatou
-Zinsou Edmond

mardi 12 mai 2009

Quel avenir pour le combat politique ?


Quel avenir pour le combat politique ? C’est le thème de la communication présenté le samedi 07 février dernier, au nouveau siège du Parti Social Démocrate du Bénin par Bruno Amoussou le président de cette formation politique. 19 ans après le début de la conférence des force vives de la nation qui a conduit à l’instauration d’un régime démocratique, il retrace l’histoire des luttes politiques au Bénin. Du Parti Dahoméen de l’Unité (P.D.U) à l’Union Démocratique Dahoméenne (U.D.D), au Parti Démocratique Dahoméen (P.D.D) au Parti de la Révolution Populaire du Bénin (P.R.P.B) puis à la démocratie avec ses multiples formations politique, il renseigne sur les combats et ceux qui les ont conduit.

Je vous suis reconnaissant de m’avoir invité à vous présenter le thème central de cette séance inaugurale du cycle de formation des cadres du Parti. Son énoncé est en lui-même l’expression d’une interrogation voire d’une inquiétude. Que des militants de partis politiques veuillent échanger leurs points de vue sur le devenir du combat politique, une activité à laquelle ils se livrent quotidiennement, signifie à tout le moins qu’ils ne lui prédisent pas un avenir serein. Les conditions dans lesquelles cet énoncé a été formulé m’ont amené à vous écouter à plusieurs reprises afin de mieux répondre à vos attentes. Malgré cette précaution, je ne suis pas certain d’y parvenir. Aussi voudrais-je vous inviter à considérer mes propos comme une introduction au débat auquel je suis disposé à prendre une part active. L’interrogation n’est pas nouvelle. Elle surgit chaque fois que le contexte politique incline à la suppression des libertés et à un embrigadement des populations dans des organisations gouvernementales. Pour m’en tenir aux récentes tentatives, ce fut le cas en 1974, lorsque le Gouvernement militaire révolutionnaire prononça la dissolution des organisations de jeunes et des syndicats de travailleurs. Profitant des contradictions internes de ces organisations, le nouveau Pouvoir entendait s’ouvrir la voie à l’embrigadement programmé des jeunes au sein des structures du futur Parti de la Révolution Populaire du Bénin. Comme toujours, cette initiative suscita deux réactions contradictoires. Certains y ont trouvé des raisons pour abandonner le combat politique. Ils estimaient que le Pouvoir en place disposait de si puissants moyens de coercition qu’il paraissait téméraire voire déraisonnable de vouloir lutter contre ses choix politiques. En revanche d’autres trouvèrent, dans ce nouvel obstacle dressé devant eux, une motivation supplémentaire pour relever un défi majeur. Stimulés par la perspective de la répression agitée par le gouvernement, ils se mirent à imaginer de nouveaux moyens et méthodes de lutte dans une clandestinité imposée.

La tentation du parti unique

C’est une tentation permanente dans les pays africains, et le nôtre n’y échappe point, de mettre fin au pluralisme politique. Au début des années 60, lendemain des indépendances, la diversité politique était rendu responsable des difficultés sociales et des soubresauts politiques enregistrés dans les pays africains. D’une manière générale, l’identification des partis politiques à des communautés ethniques étaient présentée comme des entraves infranchissables au processus de développement. Les théoriciens d’un parti unique en tiraient argument pour prôner la suppression des libertés d’association et justifier les mesures répressives prises à l’encontre des partisans d’un débat ouvert. Le prestige des pays socialistes de l’Europe de l’est, d’Asie et de Cuba crédibilisait le système recommandé. La fierté et le chauvinisme étroit des élites des nouveaux Etats issus du processus de la décolonisation faisaient le reste. Dans notre pays, ces idées s’étaient traduites par la création du Parti Dahoméen de l’Unité (P.D.U). Tous les citoyens devaient adhérer à cette formation politique et les partis politiques existants furent sommés de le rejoindre. Au lieu d’engager un processus démocratique de rassemblement par la négociation avec les responsables, le Président Maga entreprit de débaucher des dirigeants locaux de l’Union Démocratique Dahoméenne (U.D.D) à l’aide de nominations à des postes administratifs ou de promesses de promotion de toute nature. Des communiqués gouvernementaux annonçaient chaque jour des ralliements de militants de l’U.D.D. Pour avoir refusé d’adhérer à cette mascarade, la direction de ce Parti dut faire face à une féroce répression. Le Secrétaire d’Etat à l’information, Albert Tévoédjrè, fut l’acteur principal de la campagne médiatique contre les adversaires du régime et l’artisan des mesures prises à leur encontre. Il dénonçait, dans des éditoriaux hebdomadaires qui marquaient les esprits, un « complot » imaginaire dont les instigateurs seraient les dirigeants de l’U.D.D. Par ses chroniques, il justifiait l’arrestation du leader de ce parti, Justin Ahomadégbé en mai 1961. Une parodie de justice condamna celui-ci à cinq ans de réclusion criminelle. Il ne purgea pas la totalité de cette peine et fut libéré en novembre 1962, le jour de la fête de Saint Hubert, le Saint patron du Président Hubert Maga. Albert Tévoédjrè avait déjà quitté, cinq mois plus tôt, le gouvernement pour rejoindre son nouveau poste de Secrétaire Général de l’Union Africaine et Malgache. Malheureusement à son tour, l’ancien prisonnier n’hésita pas à s’engager dans la même entreprise dès que des mouvements populaires l’amenèrent au pouvoir en octobre 1963. Pour ce faire, il constitua hâtivement le Parti Démocratique Dahoméen (P.D.D), puis organisa des élections législatives sur la base d’une liste unique couvrant tout le pays érigé en une circonscription électorale unique. Exclus de tous les compartiments du pouvoir et jeter à leur tour en prison, Maga et ses partisans ne recouvriront la liberté que peu avant le coup d’Etat perpétré en décembre 1965 par le Général Christophe Soglo. Des luttes au sein du nouveau parti unique P.D.D avaient favorisé l’intervention des militaires qui assumeront par la suite l’effectivité du pouvoir, sous des formes diverses, pendant vingt cinq ans. Ils le déléguaient parfois à des civils pour de courtes périodes comme ce fut le cas en faveur du Docteur Emile Derlin Zinsou en 1968 ou au profit des leaders politiques rassemblés au sein d’un Conseil présidentiel en 1970. L’imposition, à partir de 1975, du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (P.R.P.B) comme seul cadre de l’activité politique ne fut donc pas la première expérience du genre. Quand bien même elle se réclamait de l’idéologie marxiste-léniniste, il faudrait se garder de la présenter comme une nouveauté dans l’histoire politique de notre pays. Plus déterminés que leurs prédécesseurs et s’appuyant sur le bras armé des militaires, les promoteurs du P.R.P.B. procédèrent à la dissolution des partis politiques et des organisations de jeunes, comme je l’ai dit tout à l’heure. Par des manœuvres grossières, des menaces et la contrainte, ils parvinrent à l’existence légale d’une centrale syndicale unique, l’Union Nationale des Syndicats des Travailleurs du Dahomey (U.N.S.T.D) dont le Secrétaire général, Romain Villon Guézo, était intégré à la direction du parti unique. Ce Parti confisque l’espace des activités politiques qu’il envahit à travers ses initiatives propres et celles de ses organisations de jeunes, de femmes et de travailleurs. Les autres forces sociales se virent, une fois encore, contraintes à poursuivre leurs actions dans la clandestinité. Le Parti Communiste du Dahomey (P.C.D) fut la plus structurée et la plus déterminée des forces de résistance. Armés des techniques de luttes souterraines et opérant suivant des méthodes éprouvées par les mouvements révolutionnaires, ses membres livrèrent des combats qui ébranlèrent les bases du Pouvoir. La Conférence des forces vives de la Nation tenue en 1990 fut le couronnement de leurs luttes et de celles d’organisations de la société civile. Je fais l’impasse sur la période du Renouveau démocratique parce que vous la connaissez bien et vivez encore ses péripéties. Cela ma permet de ne pas allonger mes propos et mes éléments d’analyse. Peut-être devrais-je remonter à la création, en avril 1947, de l’Union Progressiste Dahoméenne (U.P.D), le premier parti politique d’envergure national dans notre pays, pour évoquer l’ancienneté de nos maux. Ce Parti n’a pas survécu aux difficultés d’établissement des listes de candidats aux élections législatives de 1951. Les démissions par vagues successives aboutirent en particulier à la création du Bloc Populaire Africain (B.P.A), du Groupement Ethnique du Nord (G.E.N), du Parti Républicain du Dahomey (P.R.D.), de l’Union Démocratique Dahoméenne (U.D.D.). Peu à peu ces trois dernières formations politiques se muèrent en partis dominants régionaux, l’Union Démocratique Dahoméenne affichant toutefois la meilleure couverture nationale.

La lutte pour les libertés

Mais de jeunes intellectuels de gauche, de plus en plus nombreux à regagner le pays, contestèrent la politique néo coloniale et la suprématie de ces partis politiques soumis aux injonctions de l’ancienne puissance coloniale, la France. Dans leur stratégie, ils établissent des liens très étroits avec les exclus et les victimes du nouveau système politique. Immergés dans les populations paysannes, ils les aidèrent à créer des organisations de jeunes et des syndicats de producteurs de coton et de tabac. Celles-ci devinrent des interlocuteurs vigilants des sociétés commerciales d’import-export. Elles renforcèrent leur influence par la lutte contre la corruption et les dénonciations des brimades et rançonnements opérés par des fonctionnaires, surtout les agents des forces de sécurité publique. Aux élections générales de 1970, le candidat de l’Organisation des jeunes de la sous-préfecture de Dassa-Zoumè fut élu et celui de l’Organisation des jeunes de la sous-préfecture d’Aplahoué obtint un score honorable de 5000 voix contre 6500 pour le candidat des partis politiques. Dans les villes, les intellectuels infiltrèrent les syndicats de travailleurs du secteur public comme du secteur privé et s’assurèrent leur contrôle par leur dévouement et leur capacité d’organisation. Les syndicats des ingénieurs et cadres de travaux publics, des enseignants du secondaire, des agents des Postes et Télécommunications et celui des douaniers figuraient parmi les plus actifs. Leurs luttes et celles des mouvements de jeunes rythmaient la conjoncture sociale. C’était toujours l’insatisfaction des revendications des travailleurs ou des élèves des établissements d’enseignement secondaire qui créait les conditions favorables aux interventions des militaires. Les difficultés de trésorerie de l’Etat au cours du dernier trimestre de chaque année servaient de justifications immédiates dans les proclamations. Tous les coups d’Etat que notre pays a connu ont été perpétrés soit en octobre soit en décembre. Par militaires interposés, des élites espéraient ainsi parachever le contournement des politiques et accéder au pouvoir. Il n’en fut pas toujours ainsi car les nouveaux maîtres prenaient goût à leurs nouvelles situations et ne retournaient dans les casernes que les oreilles tendues vers les rues, à la recherche des mobiles d’une nouvelle intervention. La Conférence des forces vives de la Nation de 1990 a consacré surtout cet échec des militaires et de leurs alliés. Mais contrairement aux attentes, elle n’accoucha pas d’une nouvelle configuration politique. Très vite, on assista à la restauration du paysage politique qui prévalait avant 1972. Les trois grands blocs qui se partageaient l’espace politique ont retrouvé leur vigueur d’antan. Un quatrième qui tente de créer la nouveauté à travers notre parti, le Parti Social Démocrate, peine à trouver ses marques. La réédition de l’alliance avec les militaires en 1996 n’ouvre pas non plus les perspectives attendues et cette parenthèse se referme, en 2006, dans la confusion et le discrédit. Les nouveaux acteurs politiques

Or le contexte international avait profondément changé. La vague libérale a largement triomphé avec ses conséquences sur la gouvernance mondiale. Les spéculateurs financiers et les chefs des grands groupes multinationaux y exercent une influence de plus en plus grande pendant que décline celle des acteurs politiques et des Etats. Les marges de manœuvre des gouvernements se réduisent et leurs décisions pèsent de moins en moins sur les questions qui affectent la vie des populations. Au même moment, le mouvement associatif a gagné en dynamisme dans tous les pays, favorisant une meilleure participation des citoyens à la prise des décisions et à la conduite des affaires publiques. Ainsi sont apparus de nouveaux acteurs, notamment les collectivités locales, les organisations non gouvernementales et d’autres formes de structuration de la société civile. Ces transformations sociales ont eu bien entendu un impact sur les luttes sociales, sur les processus de prise de décision et sur les rapports de forces. Un combat pour une nouvelle répartition des responsabilités s’est alors engagé avec pour objectif de réduire le rôle des Etats et des acteurs politiques. Il a remporté quelques succès dans les pays développés mais il connaît cependant un reflux ces jours-ci à cause de la crise financière. On peut constater que, ne voulant pas réinterroger la philosophie libérale elle même, beaucoup d’analystes se contentent de dénoncer ses excès. Mais comme toujours, les pays en voie de développement et le nôtre en particulier versent dans la caricature. Soutenus par des ultra libéraux en quête d’expérimentation et face à des Etats anémiés et sous perfusion, les relais africains de cette philosophie politique en viennent à rejeter le politique en lui-même. Insidieusement, ils véhiculent des concepts débilitants sur le politique. Ainsi, lorsqu’une action ne donne pas de bons résultats, l’explication facile est qu’on y a mêlé la politique, entend-on dire souvent. « Ah ce gouvernement va bien travailler puisqu’il ne comprend pas de responsables politiques » renchérissent d’autres. « Ne fais pas la politique avec moi, dis-moi la vérité », entend-on souvent dire parce que l’argumentaire politique ne serait qu’un tissu de mensonges. C’est pourquoi, à la recherche des solutions de rechange aux échecs des pères des indépendances, plus souvent d’anciens élèves de l’Ecole William Ponty au Sénégal, après les échecs des recours aux militaires durant les années 70 et 80, l’appel aux fonctionnaires internationaux répondait mieux, selon certains stratèges du développement, aux exigences de la solution libérale. Présentés comme des porteurs d’un nouveau message salvateur, beaucoup de ces hommes providentiels ont vite sombré par inexpérience politique. D’autres ont tenté de se former sur le tas, admettant ainsi le rôle irremplaçable du politique. La nouveauté aujourd’hui chez nous réside dans le refus de reconnaître la moindre place et encore moins le leadership du politique dans la prise des décisions engageant l’avenir du peuple. Ce mouvement s’amplifie depuis l’élection du candidat Boni Yayi autour de qui s’agglutinent la plupart de ceux qui attendaient un ascenseur. Dans ce contexte, l’activité politique étant une maladie honteuse à leurs yeux, les tenants actuels du pouvoir ne s’y livrent que clandestinement, sans l’avouer. Ils continuent de présenter les membres des formations politiques, à l’exception d’eux-mêmes bien entendu, comme une bande de malfaiteurs composée exclusivement de prédateurs gloutons, qui se désaltèrent avec la sueur des affamés, corrompus et peu soucieux des conditions de vie des populations. C’est d’ailleurs cela qui les disqualifierait quant à la direction du pays et qui légitime la prétention d’autres organisations à assumer cette tâche historique. Selon ces conceptions, point n’est besoin d’avoir des organisations politiques et toute démarche partisane affichée est condamnable. Le rêve de leurs adeptes serait une société atomisée, déstructurée et par conséquent incapable d’opposer la moindre résistance aux orientations retenues par les vrais pilotes de la gouvernance mondiale. C’est dans le même esprit qu’un matraquage médiatique tente d’incruster dans la conscience collective une image angélique des nouveaux acteurs de l’espace public, notamment ceux de la société civile. Ils seraient tous d’intrépides combattants contre la corruption, les seuls vrais porte parole des populations, des partenaires désintéressés des démunis et d’habiles capteurs de ressources auprès de généreux donateurs. C’est d’ailleurs à eux que les bailleurs de fonds étrangers, « qui ne veulent pas se mêler des problèmes politiques », confient leur cagnotte, assurés ainsi qu’elle serait bien gérée ! En réalité, comme dans tout corps social, il est aisé de distinguer les vrais acteurs de la vigilance civile des politiciens en transit au sein des organisations de la société civile. Vous vous souvenez que, lors des élections communales en 2008, le ministre en charge de la décentralisation avait remis aux partis politiques et aux organisations de la société civile, des documents à populariser. Nos sections communales avaient sollicité des aides financières pour organiser des séances d’explication dans les cellules et les villages. Nous n’avions pas pu répondre à leur demande. La presse dénonça quelques mois plus tard l’inaction des partis politiques et salua l’engagement et le patriotisme des organisations de la société civile. Elles avaient mis en œuvre les recommandations du ministre en tenant des réunions avec les citoyens… sur financement d’un partenaire au développement. Elles furent glorifiées « pour ce comportement citoyen » ! Lors des élections législatives en 2007, notre Parti avait voulu jouer de la transparence dans le financement de la campagne. Comme convenu, je m’étais rendu en personne à Lalo pour remettre au comité de campagne réuni au grand complet les cinq millions de francs prévus par la loi pour chaque candidat. Nous nous attendions à des félicitations ou à un encouragement pour poursuivre dans cette direction. Eh bien la réponse nous est venue de l’ONG DHPD qui écrit, à la page 24 de son rapport financé et largement diffusé par l’ambassade royale du Danemark : « Beaucoup de candidats ont financé également des activités culturelles. Le principal leader de ADD dans le Couffo a donné cinq millions (5.000.000) à la population ». J’ai adressé des lettres à son principal animateur, Maître Djogbénou, pour l’inviter à une ultime vérification de son information. Rien n’y fit. Il confirme avec assurance que son organisation a suivi au quotidien les activités sur le terrain. Je suis persuadé que sa forte présomption de culpabilité des responsables politiques l’a emporté sur la rigueur de jugement qu’on lui connaît.

Le déclin de l’activité politique

Ces quelques observations sur des périodes que vous avez ou n’avez pas connues, expliquent, tout au moins en partie, le déclin de l’activité politique et la montée en puissance de ce qu’on dénomme le contrôle citoyen, nouveau raccourci pour certains acteurs d’accéder au pouvoir. Le prestige dont jouissent ceux qui y participent et les moyens financiers dont ils disposent exercent un puissant attrait sur les élites. Il faut reconnaître que leur désertion de la sphère politique pour se refugier dans d’autres structures sociales plus valorisantes puise sa sève dans les turpitudes des acteurs politiques. Pour m’en tenir à l’actualité, nul ne peut être fier d’être membre d’un Parlement où le muscle tend à remplacer le cerveau, où l’argent devient le moteur, non pas honteux mais gratifiant et public, des prises de position. Que des membres d’un gouvernement de la République se promènent dans les couloirs de l’Assemblée nationale ou s’installent dans des salles, avec des sacs d’argent, à la recherche d’un député à capturer est plus qu’attristant. Il y a là une insulte, du reste méritée, au Représentant du peuple et au peuple. Je n’avais jamais eu connaissance de telles pratiques au cours des législatures antérieures. La banalisation des comportements les plus abjectes des acteurs politiques n’incite aucune personne respectueuse de lui-même à vouloir nous rejoindre dans les formations politiques. L’image que projette l’Assemblée Nationale tout comme la pauvreté des débats politiques dans l’ensemble du pays constitue le meilleur repoussoir inventé par la classe politique. Quand bien même l’argent enfume de plus en plus la vie politique, pour le plus grand malheur de la démocratie, son usage comme arme décisive de conviction a atteint un niveau qui ne doit laisser aucun d’entre nous indifférent. C’est pourquoi notre jeunesse, déroutée par toutes ces déviances, s’adonne à des pratiques honteuses et déshonorantes. Elle en vient à considérer l’enrichissement matériel comme la valeur suprême qui ouvre toutes les portes et s’enlise dans des trafics de toute sorte. La transhumance politique est une des formes de la délinquance politique. J’étais triste l’autre jour en voyant un ancien député, pour qui j’avais de l’estime, chanter, danser et même remercier Dieu d’avoir rendu possible son indigne comportement électoral. Ces dérapages ont suscité des interrogations dans nos rangs, au PSD. Les comportements de nos partenaires au sein du G4 ont réveillé nos débats sur la pertinence de nos alliances et de notre ligne politique. Les vieilles rancoeurs contre nos partenaires d’aujourd’hui ont refait surface. Il est vrai que lors de la formation du gouvernement actuellement en place, le Chef de l’Etat nous avait proposé des postes dont une position de ministre d’Etat. Le titulaire pressenti avait même été contacté directement et j’avais reçu moi-même l’émissaire du gouvernement à plusieurs reprises. Chacun de nos députés, sans exception, avait fait l’objet de contacts discrets dans le cadre de la politique de débauchage. Malgré ces sollicitations alléchantes, nous avions décliné ces offres parce qu’elles trahissaient les valeurs qui fondent notre engagement politique, ne reposaient sur aucun accord de programme politique encore moins de gouvernement et signifiaient la rupture d’avec les autres membres du G4. La présence par la suite, dans l’équipe gouvernementale, de deux membres du Madep et d’un membre de la RB a conforté ceux de nos militants qui privilégiaient notre rapprochement solitaire avec le Pouvoir. Les prises de position de la RB ces derniers jours n’ont pas été non plus de nature à clarifier la situation et à rassurer les militants. C’est le lieu de saluer et de féliciter tous ceux qui, comme nos amis du G13, ont résisté aux appâts qui nous ont été tendus. Ils ont compris que ce n’était ni la recherche d’intérêts personnels, ni la fidélité à nos alliés qui devraient inspirer nos prises de position. Ce doit être à tout moment les valeurs de la social-démocratie. Sans boussole, aucun progrès n’est possible. Nos amis du Ghana et de Madagascar nous offrent deux exemples, l’un relatif à une situation maîtrisée par de vrais partis politiques et l’autre embourbée dans les combats d’hommes d’affaires providentiels. Cela signifie que les dévoiements des acteurs politiques et la pollution repoussante de l’espace politique doivent nous inciter à initier courageusement les réformes nécessaires à l’assainissement de nos mœurs et pratiques politiques.

Que faire ?


Pour y parvenir, notre Parti avait décidé d’entreprendre un patient travail de formation afin de donner à notre pays des dirigeants politiques de demain dont nous pourrons être fiers. Les expériences en cours dans le monde entier confirment que seules des orientations politiques partagées par de vraies équipes politiques peuvent conduire à des résultats durables. Partout, les décisions sur l’avenir des peuples se prennent dans des cercles politiques et les autres organisations ne peuvent le faire sans trahir leur vocation. C’est la démarche partisane qui offre au peuple les possibilités de choix et vivifie les libertés. Aussi devons-nous déployer un trésor d‘arguments pour convaincre et amener les élites à s‘engager dans les partis politiques afin précisément de corriger leur image et leur faire jouer leur rôle de formatage des dirigeants nationaux. Sans perdre de vue les exigences électorales, notre Parti doit s‘inscrire dans le moyen et long terme. Les jeunes en particulier doivent faire l’objet d’une attention soutenue. Nos programmes de formation s’adresseront à eux en priorité. Ce doit être une obligation pour ceux d’entre eux qui sont membres de notre Parti de suivre les séances de formation consacrées aussi bien aux questions politiques qu’à l’éthique. Il nous revient le devoir de rassembler dans les quartiers et les services, sur les campus et dans les collèges, tous ceux qui voudraient redécouvrir le militantisme, l’action politique, patriotique, bénévole. Nous ne disposons d’aucun budget pour cela et ne devons nous attendre à aucune aide. « Je ne prétends nullement, et loin s’en faut, écrit Dominique Strauss-Kahn dans son dernier ouvrage ‘’La flamme et la cendre’’, que l’objectif premier qui motive et justifie le combat politique soit de conquérir et de conserver le pouvoir. L’objectif est bel et bien de défendre des idées et de tenter d’y rallier ceux qui ne le partagent pas. Ce qui passe avec les idées, c’est une morale. Le socialisme est une morale pour l’action – ou il n’est rien. Il est moral parce qu’il témoigne d’un sentiment d’injustice devant les affaires d’un monde dont il perçoit la possible perfectibilité. S’il s’exonère de ce sentiment, donc de cette morale, il se résout à n’être qu’un vulgaire mode d’organisation et de distribution du pouvoir comme des richesses ». « Des hommes sont morts, ajoute-t-il, pour que nous puissions, aujourd’hui, choisir notre destin. D’où cette éthique, minimale mais concrète : l’abstention politique est une forme de renoncement à une partie de soi ». C’est pour cela que notre Parti doit engager des concertations avec nos partenaires politiques afin de parvenir à l’élaboration d’un programme minimum d’assainissement et de réhabilitation de l’action politique. Pour ce faire il nous faut, à tout le moins :

Promouvoir de meilleures relations entre les formations politiques et les organisations syndicales et celles de la société civile ;

Initier une proposition de loi qui responsabilise les partis politiques et les alliances de partis politiques et met fin au mandat de tout élu qui change d’appartenance politique.

Initier une proposition de loi sur le financement public des activités politiques dans le cadre de la lutte contre la corruption et de la promotion de la démocratie au sein des formations politiques. Enfin, quoi de plus normal que les tenants du pouvoir cherchent à s’y maintenir. La création de l’alliance FCBE répond à cette préoccupation. Notre lutte doit consister à refuser la confiscation de tout l’espace politique par ce groupe. S’opposer à la restauration du parti unique est une tâche patriotique à laquelle nous ne saurions déroger. Comme certains de leurs prédécesseurs, les tenants du pouvoir utilisent les mêmes armes de débauchage, de menace et de chantage pour parvenir à leurs fins. Il n’est pas exclus qu’ils recourent à la violence et jettent les récalcitrants dans des prisons civiles. Pour l’heure, ils préfèrent s’en tenir à la prison économique en éliminant les adversaires ou leurs présumés sympathisants de l’accès aux marchés publics et aux postes de responsabilité dans le but de leur ôter toute possibilité de survie économique et de résistance politique. Les persécutions dont nos camarades sont victimes dans les administrations ne sauraient nous décourager. Des enquêtes et des interrogatoires permettent de détecter nos militants, de leur faire subir toutes sortes d’humiliation. Les mises en garde éloignent nos sympathisants. Certains opérateurs économiques en sont à leur troisième vérification en quinze mois. Malgré cette sournoise répression et surtout à cause d’elle, comme ceux qui sont morts et à qui Strauss-Kahn rendait hommage, nous devons accepter les sacrifices qui nous sont imposés. La victoire de la vérité et de la justice se fraye souvent son chemin à travers des grilles de prisons.

Mes chers amis,

Soyez toujours les défenseurs de la vérité et des libertés. N’aspirez pas à être des reptiles mais à vous tenir debout et fiers. Croyez moi, ce combat procure d’immenses satisfactions et donne un sens à la vie. Ainsi, quel que soit votre âge, vous ne connaîtrez jamais de crépuscule. Vous serez au plus à midi.

Bruno AMOUSSOU
Président du Parti Social Démocrate du Bénin

Vient de paraître: « L’Afrique est mon combat » de Bruno Amoussou


« L’Afrique est mon combat », le livre de Bruno Amoussou paru aux éditions de l’Archipel a été présenté au public le samedi dernier. A la salle rouge du palais des congrès, d’éminentes personnalités se sont relayées pour porter leur regard sur ce témoignage de l’ancien président de l’assemblée nationale du Bénin, et leader du parti social démocrate. L’auteur relate à travers son histoire personnelle, celle du Dahomey, actuel Bénin.


« Une ancienne colonie en quête d’identité, de démocratie, et de modernisation » Le long de ces 207 pages, le lecteur chemine, pas seulement avec un leader politique mais avec un ami : Bruno Amoussou, très enjoué, l’humour alerte et généreux. « L’Afrique est mon combat » donne l’exemple aux autres responsables à divers niveaux. L’édifice historique national requiert les pages de chacun et de tous. A la suite de Adrien Houngbédji, et Emile Derlin Zinsou, Bruno Amoussou publie un livre. Lirons-nous bientôt les mémoires de Mathieu Kérékou et de Nicéphore Soglo ?

Présentation sommaire du livre par le professeur Antoine Déchénou

Une complicité
- Permettez-moi de violer la règle de l’objectivité qui devrait être la conduite du présentateur que je suis pour me faire un peu comme un confident (dans le théâtre classique, un confident c’est-à-dire un double de héros). Oui pour témoigner moi aussi, en quelques minutes. Car, toute cette époque décrite dans ce livre, tous ces événements qui ont eu pour théâtre le Dahomey, je les ai vécus aussi avec la même intensité.

L’originalité du livre
C’est à la demande de ses enfants que Bruno Amoussou a entrepris d’écrire ce livre. Ceux-ci voulaient savoir ce qu’a été la vie de leur grand-père, mais aussi celle de leur père. Mais ceux qui s’attendent à trouver dans ce livre le récit d’une vie, si du moins la vie signifie la totalité de la vie, seront bien déçus. Car si ce livre se veut une autobiographie, c’est une autobiographie d’un genre particulier.

Il ne s’inscrit pas dans la tradition des Essais de Montaigne, œuvre autobiographique où d’entrée de jeu, l’auteur affirme « Je suis moi-même la matière de mon livre ». Montaigne parlera de lui, de ses idées sur la vie, sur la mort, sur l’éducation. Mais en parlant de lui, Montaigne ajoute « Chaque homme porte en soi une forme entière de l’humaine condition ». En parlant de lui, Montaigne parle de l’homme. L’œuvre de Bruno Amoussou ne s’inspire pas des Essais.

. Les Confessions de Saint- Augustin sont une œuvre d’édification religieuse. Il s’agit d’abord de se confesser à Dieu. « Cette confession, je vous la fais, non avec des mots et des accents charnels, mais avec les mots de l’âme et le cri de la pensée qui connaît votre oreille ». C’est ensuite une confession aux hommes afin de les aider à entendre à leur tour cette parole de Dieu. « L’aveu de mes péchés de jadis, que vous avez remis et couverts, pour me donner le bonheur en vous, changeant mon âme par votre foi et votre sacrement, relève le cœur de ceux qui le lisent et l’entendent ; il les sauve du sommeil du désespoir, les éveille à l’amour de votre miséricorde, à la douceur de votre grâce, par quoi le faible devient fort et prend conscience de sa faiblesse »

Enfin un troisième sens de ce livre est qu’il s’agit de confesser la grandeur de Dieu. Les Confessions de Saint-Augustin sont une louange à Dieu.

Une toute autre intention anime Rousseau. Il écrit ses Confessions pour se justifier, parce que trop souvent calomnié ; il veut « qu’une fois on pût voir un homme tel qu’il est ». Il cherche à établir la vérité sur lui face aux médisances. Les Confessions de Rousseau sont une explication, un acte d’accusation de ceux qui le calomnient ; c’est aussi une apologie.

A l’évidence donc, le livre d’Amoussou Bruno ne se situe dans les genres : littéraires que nous venons d’examiner. Pas un traître mot de sa vie affective, de sa vie familiale. Mais ce livre est une autobiographie dans un sens précis. Il veut « reconstituer quelques événements dont j’ai été témoin et parfois l’un des protagonistes ». Il écrit donc pour témoigner. Il s’inscrit dans la lignée des chroniqueurs, des mémorialistes. Citant Maurice Druon, il dit« Le témoignage est l’acte final de notre mission, sa perfection au sens premier du terme ». Est parfait, non pas ce qui est beau, agréable mais ce qui est achevé, accompli. Le temps que nous appelons le parfait, en grec comme en latin, et que nous traduisons improprement par le passé simple. Oui, le parfait désigne l’aspect de l’action achevée. Perfection= qui est achevé, accompli. Un verbe est au parfait pour dire que l’action qu’il exprime s’est totalement achevée. C’est lorsque le potier a mis la dernière main à l’objet qu’il fabrique, lorsqu’il l’a achevé, lui a donné sa forme définitive, qu’il le rend parfait, achevé et donc beau. Cet ouvrage se veut donc un témoignage parce que « acte final » par lequel l’auteur rend compte du combat de sa vie.

Brève remarque sur la langue
Bruno Amoussou a toujours regretté de n’avoir pas appris le latin qui lui aurait permis « d’améliorer mes performances littéraires ». Mais la langue de ce livre, s’il n’est pas celui d’un latiniste n’a rien à envier au latiniste le plus averti. Le français, même issu du latin, reste le français. Heureuse méconnaissance du latin qui nous vaut un livre simple de lecture, exempt de tout pédantisme ; langue claire d’un ingénieur de la vieille école qui nous a enseigné ce que parler français veut dire.

Amour GBOVI
Journal FRATERNITE 11/05/09

COTONOU: Cérémonie de lancement du livre «l’Afrique est mon combat »: Du beau monde autour de Bruno Amoussou


Nostalgie et admiration ont caractérisé samedi dernier, le parterre d’invités venus assister au lancement du livre de Bruno Amoussou. Après Paris, « L’Afrique est mon combat » a conquis Cotonou sans grand bruit en attendant d’autres capitales africaines. Jamais un événement littéraire n’a rassemblé autant de sommités politiques, universitaires et de la presse au Bénin. Et alors qu’on pouvait craindre que la célébration du centenaire de la Basilique de Ouidah puisse jouer contre Bruno Amoussou, il n’en fut rien.

Car, l’événement était de taille et personne ne voulait se la faire conter. L’intelligentsia béninoise l’a si bien compris, qu’elle ne sait pas fait prier pour répondre à l’appel de Bruno Amoussou. Et c’est avec une ferveur religieuse que l’auditoire a suivi et bu goulûment et avec volupté les différentes interventions ponctuées de croustillantes anecdotes. Même la longueur des interventions et le retard qu’a accusé le démarrage de la cérémonie, n’a émoussé l’attention des uns et des autres. Et l’aura du professeur Détchénou, contemporain de l’auteur, a davantage incité l’assistance à vivre l’œuvre. C’est ainsi qu’à travers une présentation sommaire faite par ses soins, le professeur a conduit les invités à appréhender chaque chapitre voire chaque ligne de « l’Afrique est mon combat ». De cette présentation, on retient que le livre de Bruno Amoussou, retrace son enfance, son cursus scolaire et universitaire, l’origine de son militantisme et ses débuts en politique. « L’Afrique est mon combat » est également un pèlerinage dans le passé, plus précisément dans la période prérévolutionnaire où au Dahomey, les coups d’Etat se faisaient et se défaisaient au gré des humeurs des militaires et des jeunes cadres revenus de l’outre-mer. Le témoignage de Rigobert Ladikpo, qui révèle le bizutage de Bruno Amoussou, ou lui-même ses déboires de néo-parisien ainsi que ses prouesses de « gros mangeurs », n’ont point laissé l’assistance de marbre. Chaque anecdote de cette époque, était accueillie avec un concert de rires. Bellarmin Codo et Jérôme Carlos ne manqueront pas de souligner que l’acte de Bruno Amoussou constituait une invite à tous ceux-là qui sont de son époque et qui ont d’une manière ou d’une autre, participé à la gestion de l’Etat de laisser à la postérité leur témoignage. Toute chose que Bruno Amoussou, « l’écrivain qui s’était trompé de métier » selon Rigobert Ladikpo, va réitérer. L’ancien président de l’Assemblée nationale, qui reconnaît qu’il n’a pas encore tout livré, avec son humour légendaire, a de manière subtile interpelé ses « amis » à lui emboîter le pas. Dans le même temps, il pose la problématique de l’archivage. Ce qui, dans une certaine mesure constitue un dénie d’un pan de l’histoire de notre pays.

Ce sera également le lieu pour l’ancien ministre d’Etat de Mathieu Kérékou d’évoquer une nouvelle fois, l’impérieuse nécessité d’acquérir une certaine expérience en matière politique avant de prétendre exercer le pouvoir d’Etat. Or, déplore-til, en Afrique, c’est le contraire qui est de règle. A travers cette œuvre mi-autobiographie mi-mémoire, qui suscite tant d’intérêt de la part des Béninois, il est révélateur du manque d’écrits sur l’histoire contemporaine de notre pays. Les témoignages et impressions de certaines personnalités et hommes de culture tels que Nicéphore Dieudonné Soglo, le ministre d’Etat Kogui N’douro, Pierre Osho ancien ministre, Célestine Zanou, le député Arifari Bako, Basile Ahossi, Guy Ossito Midiohouan, et bien d’autres convergent tous vers un même point : le livre de Bruno Amoussou est une mine d’informations aussi bien pour les anciennes générations que les nouvelles.

Benoît Mètonou
Journal LA NOUVELLE TRIBUNE 11/05/09

Présentation sommaire du livre par le prof Robert Détchénou

Trois grandes étapes
le partie Chapitre: 1-2-3-4
- La vie quotidienne d’un fils de catéchiste et d’exploitant agricole
c- - L’ambiance d’une époque (évocation de l’effort de guerre)
- A l’école
- Victor Ballot, récit d’une épopée .
2è partie Chapitre: 5-6 Les études supérieures et le militantisme syndical estudiantin.
- Les classes préparatoires du lycée Chaptal
- L’entrée à l’Institut national agronomique de Paris
- Le militant syndical qui a pris une part active aux activités de la FEANF. Il a vécu au plus profond la confrontation idéologique qui fut celle de notre génération tiraillée entre l’idéologie marxiste de la FEANF et l’option chrétienne où s’étaient engagés la plupart des étudiants dahoméens.
3è partie Chapitre: 7-8-9-10 Le retour au pays du jeune ingénieur agronome et du génie rural.
1- Les premiers pas dans l’administration.
- D’abord des difficultés pour se faire recruter avec un diplôme inconnu des services administratifs; génie rural inconnu, ou l’orientation vers les militaires qui ont un «génie » militaire. Finalement recruté et classé dans la grille du décret Il O/PCM de célèbre mémoire. (11 aura fallu 4 ans aux jeunes professeurs que nous étions pour avoir droit à un cadre de professeurs certifiés). Le jeune ingénieur dut tout créer pour un service du génie rural.
- L’exercice du métier conduit droit à la politique, en raison des multiples relations liées à ce métier.

2-L’entrée en politique
L’époque était féconde en soubresauts politiques: - Régime PDD né de l’effondrement du PDU
- Coup d’Etat du général Soglo en décembre 1965
- Coup d’Etat des Jeunes cadres de l’armée contre la vieille garde militai/e le 17 décembre 1967
- Election non validée du Docteur Adjou
- Nomination du Docteur Zinsou en juin 1968
- Kidnapping du Docteur Zinsou le 10 décembre 1969 - Installation du Directoire dissous le 30 avril 1970 - Installation du Conseil présidentiel
- Coup d’Etat du 26 octobre 1972 avec proclamation d’un régime révolutionnaire.
Le témoignage de ce livre s’arrête ici. Pourquoi? L’auteur vous le dira. Une complicité.
- Permettez-moi de violer la règle de l’objectivité qui devrait être la conduite
du présentateur que je suis pour me faire un peu comme un confident (dans le théâtre classique, un confident c’est-à-dire un double de héros). Oui pour témoigner moi aussi, en quelques minutes. Car, toute cette époque décrite dans ce livre, tous ces événements qui ont eu pour théâtre le Dahomey, je les ai vécus aussi avec la même intensité.
- Le travail forcé avec son lot de barbarie et d’injustice. - Le désespoir des conscrits.
- L’épopée ballotine
- Il n’y a aucun événement politique marquant de la période concernée dont je ne puisse signer l’authenticité.
- Cette époque fut celle des septuagénaires d’aujourd’hui.
- Merci à Bruno de nous avoir rafraichi la mémoire.
11- L’originalité du livre
Deuxième partie
C’est à la demande de ses enfants que Bruno Amoussou a entrepris d’écrire ce livre. Ceux-ci voulaient savoir ce qu’a été la vie de leur grand-père, mais aussi celle de leur père. Mais ceux qui s’attendent à trouver dans ce livre le récit d’une vie, si du moins la vie signifie la totalité de la vie, seront bien déçus. Car si ce livre se veut une autobiographie, c’est une autobiographie d’un genre particulier.
Il ne s’inscrit pas dans la tradition des Essais de Montaigne, œuvre autobiographique où d’entrée de jeu, l’auteur affirme «Je suis moi-même la matière de mon livre ». Montaigne parlera de lui, de ses idées sur la vie, sur la mort, sur l’éducation. Mais en parlant de lui, Montaigne ajoute «Chaque homme porte en soi une forme entière de l’humaine condition ». En parlant de lui, Montaigne parle de l’homme. L’œuvre de Bruno Amoussou ne s’inspire pas des Essais.
Les Confessions de Saint- Augustin sont une œuvre d’édification religieuse. Il s’agit d’abord de se confesser à Dieu. «Cette confession, je vous la fais, non avec des mots et des accents charnels, mais avec les mots de l’âme et le cri de la pensée qui connaît votre oreille ». C’est ensuite une confession aux hommes afm de les aider à entendre à leur tour cette parole de Dieu. « L’aveu de mes péchés de jadis, que vous avez remis et couverts, pour me donner le bonheur en vous, changeant mon âme par votre foi et votre sacrement, relève le cœur de ceux qui le lisent et l’entendent; il les sauve du sommeil du désespoir, les éveille à l’amour de votre miséricorde, à la douceur de votre grâce, par quoi le faible devient fort et prend conscience de sa faiblesse»
Enfin un troisième sens de ce livre est qu’il s’agit de confesser la grandeur de Dieu. Les Confessions de Saint-Augustin sont une louange à Dieu.
Une toute autre intention anime Rousseau. Il écrit ses Confessions pour se justifier, parce que trop souvent calomnié; il veut «qu’une fois on pût voir un homme tel qu’il est ». Il cherche à établir la vérité sur lui face aux médisances. Les Confessions de Rousseau sont une explication, un acte d’accusation de ceux
fi qui le calomnient; c’est aussi une apologie.
: A l’évidence donc, le livre d’Amoussou Bruno ne se situe dans les genres : littéraires que nous venons d’examiner. Pas un traître mot de sa vie affective, de
sa vie familiale. Mais ce livre est une autobiographie dans un sens précis. Il veut r» « reconstituer quelques événements dont j’ai été témoin et parfois l’un des protagonistes ». Il écrit donc pour témoigner. Il s’inscrit dans la lignée des chroniqueurs, des mémorialistes. Citant Maurice Druon, il dit« Le témoignage
est l’acte fmal de notre mission, sa perfection au sens premier du terme ». Est parfait, non pas ce qui est beau, agréable mais ce qui est achevé, accompli. Le temps que nous appelons le parfait, en grec comme en latin, et que nous traduisons improprement par le passé simple. Oui, le parfait désigne l’aspect de l’action achevée. Perfection= qui est achevé, accompli. Un verbe est au parfait pour dire que l’action qu’il exprime s’est totalement achevée.
C’est lorsque le potier a mis la dernière main à l’objet qu’il fabrique, lorsqu’il l’a achevé, lui a donné sa forme défmitive, qu’il le rend parfait, achevé et donc beau.
Cet ouvrage se veut donc un témoignage parce que «acte final» par lequel l’auteur rend compte du combat de sa vie.
111- Brève remarque sur .la .langue
Bruno Amoussou a toujours regretté de n’avoir pas appris le latin qui lui aurait permis « d’améliorer mes performances littéraires ». Mais la langue de ce livre, s’il n’est pas celui d’un latiniste n’a rien à envier au latiniste le plus averti. Le français, même issu du latin, reste le français. Heureuse méconnaissance du latin qui nous vaut un livre simple de lecture, exempt de tout pédantisme; langue claire d’un ingénieur de la vieille école qui nous a enseigné ce que parler
français veut dire.